Maître Titinga Frédéric Pacéré est décédé le 8 novembre dernier

Cela fera bientôt deux semaines que le grand homme de culture burkinabè et africain, Maître Titinga Frédéric PACERE s’est éteint mais les témoignages sur sa vie continuent d’affluer de la part de ceux et celles qui l’ont connu et apprécié. Là c’est un autre grand homme de la culture burkinabè et africaine que l’on ne présente plus, en l’occurrence Yé Lassina Coulibaly qui y va de son vibrant hommage à Me PACERE. «Un des plus grands penseurs africains (…) C’était  le premier avocat burkinabé, écrivain, poète et chef traditionnel, reconnu dans le monde entier pour sa brillante carrière d’avocat , ses travaux de recherche,  ses publications, et son immense sagesse», annonce d’emblée Ye Lassina Coulibaly.  Lisez plutôt.

Maître Titinga Frédéric Pacéré est décédé le 8 novembre dernier 

«HOMMAGE A MAITRE PACERE

Un des plus grands penseurs africains des 20 ème et 21ème siècle, Maître Titinga Frédéric PACERE, nous a quittés ce 8 novembre 2024.

Titinga Frédéric Pacéré était né le 31 décembre 1943 à Manéga en Haute-Volta .  C’était  le premier avocat burkinabé, écrivain, poète et chef traditionnel, reconnu dans le monde entier pour sa brillante carrière d’avocat , ses travaux de recherche,  ses publications, et son immense sagesse .

Issu du peuple mossi, il en connaissait la civilisation et l’organisation de la société sur le bout des doigts.

C’était un homme dont les racines étaient ancrées dans la terre rouge de l’Afrique de l’Ouest. Il connaissait à la fois les civilisations africaines ancestrales et les réalités socio-économiques des temps modernes.

Il était la voix de la philosophie du baobab, son génie a dépassé les frontières des cinq continents, il était fier de la civilisation africaine et particulièrement de celle du Faso.

Ses connaissances universitaires et de la civilisation ancestrale de l’Afrique, son ouverture au monde, constituaient autant d’assises pour aborder sans complexe les autres cultures dans des instances internationales.

«Je suis allé visiter le Musée qu’il a fondé en 1997, à Manéga»

Je fis sa connaissance dans le cadre de conférences qu’il donnait à Paris, mais bien antérieurement du temps de la Haute Volta, j’appréciais déjà son approche de recherche des droits humains.

Doté d’une personnalité rare, il incarnait l’assurance et la sérénité de celui qui va délivrer quelque chose de profond et sincère. L’élégance de ses vêtements traditionnels renforçait la majesté du moment.

Son discours recueillait beaucoup de succès auprès d’un public enthousiaste.

Par la suite je suis allé visiter le Musée qu’il a fondé en 1997, à Manéga, son village natal, à une cinquantaine de kilomètres de Ouagadougou. J’encourage la jeunesse africaine, et particulièrement burkinabé à faire de même en guise de passeport identitaire…

Dans ce lieu-sanctuaire unique au Burkina Faso, résonnent et rayonnent la philosophie et la sagesse des anciens, des masques et des animaux. Me Pacéré a consacré toute une vie à les étudier, les scruter, à traduire et à interpréter leur discours pour les générations actuelles et futures et à mettre noir sur blanc cet immense patrimoine oral, pour l’offrir en partage au monde entier.

Le musée rassemble de nombreuses pièces qui sont autant de facettes de la culture de ce pays : masques Karinsé, Bobo et Nuni, stèles funéraires ou Yakouga, amulettes, fétiches, instruments de musiques rituels et céramiques traditionnelles.

Des reconstitutions d’habitat traditionnel Peul, Mossi, Kasséna, Bobo et Sénoufo. y sont aussi présentées et  plusieurs sites sacrés ont été reconstitués dans l’enceinte du musée afin d’initier les visiteurs aux concepts sacrés et à la vie spirituelle des peuples du Burkina Faso.

Fervent défenseur des richesses traditionnelles, notamment dans leur rapport au sacré, il y a honoré toutes les civilisations qui constituent la diversité culturelle du Burkina Faso.

Il se souciait de la sauvegarde de nos traditions

Pour  illustrer  les connaissances divines de la société traditionnelle, il expliquait  les liens symboliques entre les objets et coutumes du quotidien et les rituels sacrés, initiatiques ou non, qu’il s’agisse de la sculpture du bronze, de la poterie, de la vannerie, des bijoux et des coiffures traditionnelles des femmes, ou bien des masques…

Par ailleurs, afin de sauvegarder un immense patrimoine oral qui disparaît, Me    s’est fait collecteur, écrivain et savant interprète d’un riche héritage légué par les âges et les patriarches.

Il se souciait de la sauvegarde de nos traditions et de la sagesse africaine, à tel point que dans son discours on sentait que l’on  n’était pas dans la forme, que c’était profond, que son coeur vibrait. On ne pouvait qu’être séduit, emporté par sa passion pour sa culture et son pays.

L’immensité de son savoir, il la partageait généreusement et avait le souci de sa transmission aux jeunes générations par le biais de l’enseignement scolaire et de l’Université, et en encourageant nombre d’étudiants sur la voie de la promotion…

Son charisme, sa qualité d’écoute, son professionnalisme, son approche du développement des métiers de l’agriculture, de l’art et de l’artisanat, sa compréhension du  système économique et politique mondial dans un monde troublé, conduisaient beaucoup de cadres de l’administration et de chefs coutumiers à le consulter.

Homme de la parole, Me Pacéré  était aussi un homme intègre pétri de valeurs, attaché aux droits humains. sensible aux causes quotidiennes, à l’actualité burkinabée et du reste du monde.

Très souvent, il conjuguait ses talents de poète et d’avocat pour s’insurger contre la barbarie, l’absurdité politique, les tragédies humaines et  les déficits socio-culturels. Ainsi face aux maux,  le discours poétique devenait une flamboyante plaidoirie pour des causes justes, dans laquelle l’écrivain prend le parti d’une Afrique décomplexée, forte de ses valeurs et qui s’assume en tant que puissance devant l’histoire.

L’Afrique a besoin d’hommes comme Me Pacéré afin de poursuivre son  engagement. Lui-même s’inscrivait dans une lignée de cerveaux et d’intellectuels africains qui, forts de leurs racines ont pris leur bâton de pélerin pour montrer au monde que l’Afrique est un continent puissant et le restera, que ses hommes et ses femmes ne restent pas spectateurs, qu’ils sont acteurs de leur vie.

Ceux-ci ont mis leurs  talents et leurs connaissances au service du développement de leur pays, de la promotion des droits de l’homme, de l’éducation, de l’enseignement et de la recherche, afin de porter la fierté de notre civilisation et de donner l’espoir aux nouvelles générations.

Ces éclaireurs étaient des universitaires, des artistes,  qui se sont levés et mis en marche afin de travailler à la grandeur, la dignité  et l’unité de l’Afrique.  Je n’en citerai que quelques-uns : Aimé Césaire, Cheick Anta Diop, Nelson Mandela, Amadou Hampaté Bâ, Norbert Zongo, Myriam Makeba, Elsa Wolliaston, Souleymane Koly Ko Téba d’Abidjan, Keîta Fodeba, Bernard Binlin Dadié, Joseph Ki Zerbo, Ouezzin Coulibaly, Issouf Tata Cissé, etc…

L’être humain est riche de valeurs

Ce qu’ont réalisé ces personnalités n’emporte pas toujours l’adhésion du public mais leurs oeuvres ou travaux mériteraient une plus large diffusion dans laquelle l’éducation pourrait jouer un rôle important.

L’être humain est riche de valeurs intrinsèques mais il faut savoir lui parler… C’est pourquoi, l’art et la culture doivent être au cœur  de l’éducation. La philosophie est comme un oeuf, fragile, dont il faut prendre soin, le caresser pour ne pas le briser…

Moi, Yé Lassina Coulibaly, qui suis en perpétuelle quête de savoirs, je m’inspire de l’université de la Nature et de la Place Publique. C’est une des écoles les plus difficiles, les plus exigeantes qui soient, où l’on apprend des autres, où l’on se soumet au verdict populaire « éduquez-moi, vous allez m’apprendre l’humanité »… A-t’on déjà vu les masques se montrer dans un salon?

J’ai une vision des choses qui me pousse à penser que les forces vitales du monde visible et invisible doivent être au service des humains et que l’art est là pour faire du bien, pour nourrir le  souffle de la sensibilité et de l’amour.

Prendre soin des plus vulnérables, faire entendre la voix de ceux qui sont abandonnés au bord  de la route fait partie de la mission des artistes et est un devoir pour toute société. La reconnaissance du rôle de ceux-ci dans la cohésion de la société devrait permettre l’amélioration de leurs conditions de vie…

Le continent africain doit pouvoir bénéficier des immenses richesses de celui-ci.  Il faut sortir du culte de l’individualisme et créer des structures solides, garantes des droits humains, d’espoir d’un avenir meilleur, de cohésion de la société et d’unité de l’Afrique.

Personnage hors du commun, Me Pacéré s’en est donc allé rejoindre les ancêtres. Je suis profondément attristé de son décès mais pour moi il n’est pas mort, son héritage culturel et ses valeurs vivront dans nos mémoires et dans nos coeurs…

Auteur de nombreux ouvrages

Sa contribution à la construction de son pays est incontestable. Outre ses oeuvres et ses travaux, il a légué au Burkina Faso et à l’Afrique une immense fierté.

La qualité des recherches qu’il a réalisées est une chance pour l’Afrique, sa mémoire et ses écrits vont aider nos pays à aller de l’avant car ils donnent de l’espoir aux droits humains.

Il est l’auteur de nombreux ouvrages de littérature, de poésie, de sociologie et de droit, mais aussi d’essais sur l’art et de témoignages…

A ce titre, de prestigieuses distinctions et nominations lui ont attribuées : Grand Prix littéraire d’Afrique noire francophone en 1982, Médaille d’honneur de l’Association des écrivains de langue française, Membre Honoris Causa de l’Académie des arts, des lettres et des sciences du Languedoc en 2009 et Membre associé  de l’Académie des sciences d’outre-mer, Grand Prix de la poésie Léopold Sédar Senghor en 2013, Grand Officier de l’Ordre national en 2015, Chevalier de la Légion d’honneur française en 2016,  Grand-Croix de l’Étalon en 2022,  Baobab d’Or en 2024…

Que l’âme du génie du baobab d’Afrique repose en paix

J’invite tous les africains à lire ses travaux, à s’imprégner de sa pensée, car tout ce qui peut faire rêver un enfant, c’est la grandeur de sa culture, un trésor vivant qui le libérerait de tout complexe par rapport aux autres civilisations. Ce serait sa première protection, en quelle que sorte sa première arme pacifique…

Que l’âme de Me Pacéré, ce génie du baobab d’Afrique, qui a toujours prôné la médiation et privilégié ce qui unit nos peuples, repose en paix!

Que d’autres baobabs se dressent pour préserver son héritage et poursuivre l’écriture d’une histoire noble et digne de l’Afrique!

Yé Lassina Coulibaly art et culture,

Site officiel : www.yecoulibaly.com

Artiste auteur-compositeur interprète

Musicothérapie sociétaire de la SACEM, ADAMI, SPEDIDAM, Union des Artistes Burkinabés

Chevalier de l’ordre du mérite, des lettres et de la communication (agrafe musique et danse)   du    Burkina-Faso.  concert, spectacle, pédagogie 00 336 76 03 71 66 »

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